Suite à la crise sanitaire mondiale due à la Covid-19, des modes de travail hybrides se sont développés, articulant travail sur site et télétravail. Une autre tendance s’est aussi affirmée : celle de la semaine de travail de 4 jours… Au moment même où la métropole de Lyon débute son expérimentation au sein des services du Grand Lyon (nouvelle fenêtre), Bref fait le point sur la question.
Comment fonctionne la semaine de 4 jours ?
La semaine de 4 jours consiste à travailler 4 jours par semaine au lieu de 5 jours et ce, sans perdre de salaire. Elle permet ainsi aux salariés de bénéficier d’un jour de repos supplémentaire dans la semaine, en plus du week-end (pour les salariés qui ne travaillent pas le samedi et le dimanche). Pour les salariés qui travaillent le samedi et/ou le dimanche, ils bénéficient d’un jour de plus que leurs jours de repos habituels hebdomadaires.
Les modalités de mise en œuvre de la semaine de 4 jours au sein des entreprises qui l’ont adoptée, diffèrent selon les cas car l’organisation est propre à chaque entreprise. Alors que certaines choisissent de réduire le nombre d’heures de travail sur la semaine sans diminuer pour autant les salaires, d’autres au contraire, font le choix d’augmenter la durée quotidienne de travail sans réduire la durée de travail hebdomadaire, ce qui revient à travailler le même nombre d’heures en moins de jours.
La semaine de 4 jours à l’étranger
Quels sont les pays qui expérimentent la semaine de 4 jours ?
Entre 2015 et 2019, l’Islande a réalisé une étude pour instaurer une semaine de 4 jours (35 heures contre 40 heures) tout en maintenant une rémunération identique. Pour cela, 2500 personnes ont participé à l’essai, à commencer par les salariés des crèches, des fonctionnaires municipaux pour ensuite évoluer vers ceux des hôpitaux et des bureaux. Le rapport Iceland’s journey to a shorter working week (nouvelle fenêtre) décrit des collaborateurs moins stressés, plus reposés et plus productifs. Aujourd’hui, 86% des actifs ont ou sont sur le point d’adopter la semaine de 4 jours en Islande.
Au Royaume-Uni, 61 entreprises britanniques ont expérimenté la semaine de 4 jours entre juin et décembre 2022. Les résultats montrent qu’une semaine de travail réduite favorise considérablement le bien-être personnel des salariés, selon les conclusions du rapport The results are in : The UK’s four-day week pilot (nouvelle fenêtre) réalisé par l’ONG 4 Days Week Pilot, d’après le travail des chercheurs de l’Université de Cambridge, du Boston College et de l’institut de recherche britannique Autonomy [voir aussi l’article du magazine Forbes, “Semaine de travail de quatre jours : une réussite au Royaume-Uni !” (nouvelle fenêtre)
En Espagne, depuis 2022, le gouvernement espagnol teste, sur une durée de trois ans, la semaine de quatre jours dans 200 entreprises volontaires. Habituellement, les salariés espagnols travaillent 40 heures par semaine à raison de 8 heures par jour. Pour ceux qui bénéficient de cette phase de test, ils travaillent désormais 32 heures par semaine, sans perte de salaire.
En Nouvelle-Zélande, c’est en mai 2020 que la Première ministre, Jacinda Ardern, a proposé de généraliser la semaine de 4 jours dans son pays, avec un maintien de salaire pour les salariés.
En revanche, d’autres pays sont beaucoup plus réticents sur le sujet, à l’image de la Suisse où la semaine de 4 jours est peu répandue.
La semaine de travail de 4 jours en France, c’est pour quand ?
Après que la crise sanitaire ait « obligé » de nombreuses entreprises à accepter le télétravail et la flexibilité des horaires, la semaine de 4 jours séduit de plus en plus d’actifs français. Ainsi en mai 2022, ADP a dévoilé les résultats de l’étude People At Work 2022 (nouvelle fenêtre) sur les attentes des salariés concernant ce nouveau rythme de travail :
- 64 % des actifs français souhaiteraient plus de flexibilité dans l’organisation de leurs horaires de travail, avec la possibilité de les condenser sur une semaine de 4 jours. Un désir particulièrement marqué chez les parents, les femmes et les 25-44 ans.
- 27 % des collaborateurs seraient prêts à accepter une baisse de leur rémunération en échange de la flexibilité de leurs horaires de travail.
- 19 % des entreprises ont mis en place une politique de travail flexible.
Quand elle était encore ministre du Travail, Elisabeth Borne affirmait qu’il n’était pas possible d’« imposer une telle mesure » et préférait laisser le choix aux entreprises.
À l’heure actuelle, environ 5% des entreprises françaises ont déjà adopté la semaine de 4 jours grâce à la loi Robien de 1996 (nouvelle fenêtre) qui autorise cet aménagement sur le seul volontariat des entreprises. Soutenue dans les années 1990 par Jacques Delors, Edgar Morin, Stéphane Hessel, des chercheurs et des sociologues, certains estiment qu’il est temps de légiférer sur la question. Secteur public et privé confondus, environ 10 000 salariés sont actuellement concernés selon le ministère du travail (Source : Le Monde, 29/05/2023).
Dans sa proposition de loi pour une réduction de temps de travail déposée le 5 avril 2022, Matthieu Orphelin, député du Maine et Loire et membre d’Europe Ecologie Les Verts a suggéré que ce nouveau rythme permettrait de créer des emplois, de sortir de la précarité du temps partiel et d’améliorer le bien-être professionnel et personnel des salariés.
Ce nouveau temps de travail impliquerait une rémunération des salariés identique et pourrait s’imaginer de différentes façons :
- 1 semaine de 4 jours
- 1 semaine libre sur 5
- 1 semaine longue, 1 semaine courte (pour les chauffeurs routiers par exemple)
- 1 week-end de 4 jours toutes les deux semaines
- 1 mois libre sur 5 (chercheurs, programmeurs en informatique, etc.)
- 1 année sabbatique tous les 5 ans
- Possibilité de prendre 8 années sabbatiques au cours de la vie professionnelle (comprises dans les années de cotisation)
Même si ce rythme de travail n’est pas envisageable pour toutes les entreprises et tous les secteurs, il y a de fortes chances que la semaine de 4 jours fasse bientôt partie des avantages que les candidats recherchent. Plus exigeants que jamais, il y a fort à parier qu’ils choisiront plus volontiers une entreprise ouverte à cette mesure plutôt que d’évoluer dans une structure qui ne jure que par le présentéisme. Dans une France qui connaît une hausse importante du taux de démission, à tel point que certains parlent d’un phénomène de « grande démission » (nouvelle fenêtre) à l’image de celui qui a précédemment frappé les États-Unis, et à l’heure où de nombreuses entreprises connaissent des difficultés de recrutement, la semaine de 4 jours peut s’avérer un argument de taille pour attirer de nouveaux talents dans son entreprise.
Le passage à la semaine de 4 jours est-il aussi bénéfique que l’on veut bien l’entendre ?
Doit-on adopter la semaine de quatre jours et passer aux 32h ? Si l’idée plaît, plusieurs spécialistes pointent le défi de réorganisation du travail que cela impose, et doutent de l’efficacité sociale et économique d’une telle mesure, comme en témoignent Bruno Mettling et Philippe Askenazy dans l’émission “L’Invité(e) des Matins” de France Culture le 22 juin dernier :
Une augmentation de la productivité ?
Un salarié ne travaillant pas moins mais mieux : oui, à la condition que l’organisation et les processus de production en place dans l’entreprise lui permettent une meilleure gestion des priorités.
Un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle ?
Dans le cas où l’entreprise ne réduit pas la durée d’activité hebdomadaire mais la répartit sur 4 jours au lieu de 5, la journée libérée peut être l’occasion de se rendre à un rendez-vous, passer plus de temps en famille ou encore de s’adonner à un loisir mais ne convient pas pour autant à tout le monde. Certains salariés ne peuvent pas forcément se permettre, pour des raisons personnelles et familiales, d’effectuer une journée de travail à rallonge parce qu’ils ont des enfants à gérer le matin et/ou le soir, et plus largement, certains salariés n’ont tout simplement pas envie de condenser leur temps de travail sur une période plus courte. En revanche, si l’entreprise choisit non pas de condenser la durée hebdomadaire habituelle sur 4 jours mais de réduire cette durée d’activité (en passant par exemple de 35 heures à 32 ou 30 heures), alors le bénéfice pour les salariés est indiscutable.
Une amélioration du bien-être des salariés et une baisse de l’absentéisme au travail ?
Le taux d’absentéisme chez les salariés qui pratiquent la semaine de 4 jours serait moins élevé que chez les autres salariés. Et pour cause, travailler moins a un effet positif sur la santé des salariés et contribue à leur bien-être puisqu’ils sont moins fatigués et moins malades. Néanmoins, là encore, le bénéfice dépend de la manière dont l’entreprise met en place la semaine de 4 jours. S’il s’agit de faire 35 heures en 4 jours, le salarié aura une charge de travail plus concentrée et donc plus lourde que celui qui effectue la même durée de travail en 5 jours et la bonne idée devient source de stress…
Des économies sur le coût de fonctionnement de l’entreprise et un geste écologique ?
En effet, l’entreprise réduira sa facture énergétique car elle consommera moins d’énergie (ordinateurs non-utilisés, lumières éteintes…). Elle consommera également moins d’eau, de papier et autres consommables. Ce sont donc des économies non négligeables pour les entreprises. Dans le même temps, la semaine de 4 jours contribue à réduire les émissions de CO2 et l’empreinte carbone de l’entreprise mais aussi celle des salariés qui n’utiliseront pas leur véhicule pour se rendre sur leur lieu de travail ce jour-là. Ce peut donc être un argument de taille pour les entreprises engagées dans une démarche RSE (nouvelle fenêtre).
Néanmoins, de nombreux arguments peuvent être avancés pour relativiser l’impact positif de la semaine de 4 jours sur l’environnement. Si une entreprise fait le choix de condenser le temps de travail des salariés sur 4 jours plutôt que sur 5 jours, sans réduire la durée hebdomadaire de travail de ses salariés mais en augmentant l’amplitude horaire de travail sur une journée, elle continuera logiquement de produire autant. Par conséquent, elle aura en 4 jours une empreinte carbone identique à celle qu’elle a en 5 jours. En outre, le collaborateur qui n’est pas au travail consommera tout de même de l’électricité, du gaz, de l’eau à son domicile. Par ailleurs, qui dit un jour de travail en moins dans la semaine, dit plus de temps pour les loisirs. Dans l’hypothèse où le jour non travaillé est fixé au vendredi ou au lundi, bon nombre de salariés peuvent être tentés de partir en week-end et donc d’utiliser leur voiture ou de prendre l’avion… La semaine de 4 jours peut donc permettre d’avoir un impact positif en matière d’écologie mais à condition qu’elle soit mise en place à grande échelle, voire même généralisée.
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