Depuis plusieurs années, l’hôpital public est en crise, plusieurs réformes ayant profondément affectées l’organisation et le personnel hospitalier sous une pression budgétaire constante. BREF revient sur les grandes étapes qui ont fait l’histoire de l’hôpital public.
L’Assistance Publique-Hôpitaux est une institution dont les lointaines origines remontent à la fondation de l’Hôtel-Dieu, premier hôpital à Paris vers 650. Au fil des siècles, les missions de l’hôpital se sont précisées et diversifiées en s’adaptant aux évolutions de la société.
Moyen-Âge
L’Hôpital = œuvre de charité
Aux IVe et Ve siècles, l’hôpital qui appartenait au patrimoine ecclésiastique était placé sous l’autorité de l’évêque selon les préceptes religieux de charité et de gratuité. Ils étaient construits en dehors des villes et n’étaient pas encore un lieu de soins médicaux. Sa mission était d’accueillir les pauvres, enfants errants, malheureux trop âgés ou les pèlerins de passage. En 650 fut créé à Paris le premier hôpital de l’Hôtel-Dieu, il procède lui aussi de cette tradition de charité qui perdurera jusqu’au XIXème siècle.
Hôtel-Dieu – Moyen-Âge
Au cours du XIIe siècle, apparaissent les premiers établissements dits spécialisés créés pour lutter contre la lèpre : les léproseries eux aussi construits à la périphérie des villes.
Renaissance
L’Hôpital = œuvre de bienfaisance
À la renaissance, François 1er (1515-1547) tente de maîtriser le pouvoir religieux en favorisant l’implication des laïcs dans la gestion de l’hôpital. En 1544, il crée le Grand Bureau des Pauvres. Cet organisme, placé sous l’autorité du Parlement de Paris, avait pour fonction d’administrer des secours à domicile pour les personnes âgées et les enfants de toutes les paroisses de Paris et de ses faubourgs : distribution des secours en argent et en nature aux nécessiteux ; organisation d’un service médical à domicile ; hospitalisation des malades et des infirmes dans les deux maisons hospitalières de la capitale : la Trinité pour les enfants et l’hospice des Petites Maisons pour les malades aliénés, vénériens ou teigneux. Cette période de laïcisation fut marquée par l’arrivée de soignantes laïques aux côtés des religieuses et d’officiers royaux dans la haute administration hospitalière.
XVIIe siècle
L’Hôpital = enfermement
C’est à cette période que l’image du pauvre change. En tant que marginal, le pauvre est considéré comme dangereux. Pour contrôler et supprimer la mendicité grandissante, le pouvoir du XVIIe siècle brandit des arguments moraux afin de créer des établissements destinés à enfermer les pauvres. Louis XIV scelle alors, le 27 avril 1656, un édit imposant la création d’une institution vouée à l’assistance des pauvres. L’hôpital devient alors un lieu de réclusion, permettant par la même occasion d’assainir le monde urbain. Il prend alors le nom de « Hôpital Général » ou « Hôpital d’enfermement » et regroupe alors les établissements existants : La Pitié, créé par Marie de Médicis en 1612 pour les enfants, 13 ans pour les filles et 15 ans pour les garçons, La Salpêtrière créé en 1656 pour les vieillards et Bicêtre créé en 1657 pour les épileptiques, les aveugles et les infirmes, les vénériens, les aliénés, les mendiants valides, les femmes de mauvaise vie et les individus sous lettre de cachet. Y seront ajoutés plus de dix maisons hospitalières parisiennes déjà en activité : la maison Scipion et la savonnerie de Chaillot, le Saint-Esprit, le Refuge de Sainte Pélagie, les Enfants Rouges, le Mont de Piété, les Enfants Trouvés du faubourg Saint-Antoine, ceux de la rue Notre-Dame et ceux de l’hospice de Vaugirard. Le Règlement de l’Hôpital Général stipulait qu’aucun malade ne pouvait y être reçu, ceux-ci étant conduits à l’Hôtel-Dieu. En 1662, un nouvel édit royal va imposer « dans toutes les villes et gros bourgs du royaume, la construction d’hôpitaux généraux » devant disposer chacun d’une police privée afin de faire de manière répressive la « chasse aux pauvres ».
Hôpital général Salpêtrière -XVIIe
En 1670, Louis XIV ordonnera la création de l’Hôtel des Invalides destiné à recevoir des soldats blessés, estropiés de la guerre ou vieillis dans le service trop souvent voués au vagabondage dans le but de les soigner, de les nourrir et de les loger.
XVIIIe siècle
La réforme avortée
Peu de temps avant la révolution française, le roi Louis XVI chargea en 1785 un chirurgien de la Salpêtrière, Jacques Tenon, de faire un rapport sur les hôpitaux notamment sur l’Hôtel Dieu. Le constat qui en ressort est déplorable : 4.000 malades se partagent 1.200 lits dans des salles équipées de latrines défectueuses et la mortalité est évaluée au quart des malades entrés. Le projet est alors de remplacer l’Hôtel Dieu par quatre nouveaux hôpitaux salubres avec salles d’opérations isolées, locaux de désinfection… Pour la première fois l’hôpital est défini alors comme devant être réservé au traitement des seuls malades, dans d’impératives conditions d’hygiène et dans la séparation des lits suivant les pathologies. Mais la Révolution se profile à l’horizon et prive Tenon de ses ambitions réformatrices…
La révolution française
L’assistance remplace la charité
En 1789, le royaume de France dispose de 32 Hôpitaux généraux mais les révolutionnaires considèrent le système hospitalier comme la pire institution de l’Ancien Régime et décident de remplacer la charité par un système d’assistance généralisée. Les hôpitaux sont confisqués aux congrégations religieuses en 1790 et un décret du 23 messidor de l’an II (1794) nationalise les hôpitaux. Juridiquement indépendants des communes, ils disposent désormais de la personnalité morale, donc d’un patrimoine et d’un budget propre. Les malades sans ressources peuvent être hospitalisés dans n’importe quel établissement : ce sont les communes d’origine ou les conseils généraux qui paient un prix de journée.
Pinel délivrant les aliénés à la Salpêtrière – 1795
Mais la situation devient très vite plus catastrophique qu’auparavant et c’est sous le Directoire que l’hôpital est rattaché aux communes (loi du 16 octobre 1796) qui doivent en assumer la gestion et le financement.
XIXe siècle
Hôpital centre de soins
Sous le premier empire, c’est un système d’admission d’urgence qui est mis en place en dehors des heures de consultation journalière, grâce à l’internat et l’externat, créés en 1802.
En France, la loi du 30 juin 1838 confie la gestion aux corporations religieuses des asiles d’aliénés. Les différentes confessions créent leurs propres maisons de santé à côté des hospices communaux, maisons de force et hôpitaux militaires dont les Invalides sont l’ancêtre.
Ce système va perdurer tout au long de la révolution industrielle de la fin XIXème d’autant que la classe ouvrière est de plus en plus exposée à de terribles accidents de travail. Parallèlement, vont apparaître les premiers postes de secours sur les lieux les plus dangereux tels que les berges de la Seine (pour les noyés), les abattoirs, les aciéries ou les gares. Ceux-ci se multiplieront avec l’adoption des premières lois sur la sécurité au travail et les assurances.
Mais c’est dans la seconde moitié du XIXe siècle que la législation va s’attacher à transformer l’hôpital en renforçant sa mission médicale. La loi du 7 août 1851 dite « d’assistance publique » pose les prémices du service public hospitalier actuel en énonçant « lorsqu’un individu privé de ressources tombe malade dans une commune, aucune condition de domicile ne peut être exigée pour son admission à l’hôpital existant dans la commune ». Des spécialités commencent alors à émerger : cardiologie, rhumatologie, orthopédie, etc. L’urgence sur place se développe (notamment pendant les guerres) ainsi que les médecins de garde.
La loi du 14 juillet 1905 sur les vieillards, les infirmes et les incurables va donner à tout français privé de ressources ou incapable de subvenir par son travail aux nécessités d’existence, âgé de plus de 70 ans ou ayant une maladie incurable, d’être accueilli gratuitement dans les hôpitaux ou les hospices.
Les prémices du service public
Durant la seconde guerre mondiale, c’est la loi du 21 décembre 1941 (nouvelle fenêtre) relative aux hôpitaux et hospices publics (et son décret d’application 43-891 du 17 avril 1943) qui ouvre l’hôpital à toute la population mais qui institue un prix à la journée d’hospitalisation. Cette loi tient compte de la naissance des Assurances sociales créées par la loi du 5 avril 1928 modifiée par la loi du 30 avril 1930, pour ouvrir les hôpitaux à toutes les classes sociales. Trois types d’hôpitaux publics apparaissent : CH régional, CH et hôpital local. Organisation et fonctionnement sont complétement sous le contrôle de l’État : le directeur nommé par le représentant de l’État, préfet ou ministre, et non plus par le président de la commission administrative et le personnel médical est doté d’un statut et est recruté et rémunéré par les établissements. C’est toute l’organisation médicale actuelle qui se profile avec cette nouvelle organisation des services, des chefs de service et la constitution d’une commission médicale consultative dans chaque établissement. Mais la prise en charge aussi bien médicale que sociale des personnes âgées n’existera vraiment qu’après la Seconde Guerre mondiale, avec la création d’unité de jour, d’unité de gériatrie aiguë, de moyen séjour et de long séjour.
Ve république
Développement de l’hôpital public
Les réformes hospitalières vont ensuite s’accélérer sous la Ve République qui va s’efforcer d’adapter le service public hospitalier aux réalités du progrès des techniques médicales ainsi qu’aux impératifs de régulation des dépenses de santé.
L’ordonnance, inspirée par le professeur Robert Debré et menée par le premier ministre Michel Debré du 11 décembre 1958 portant sur la réforme hospitalière met en place trois moyens de modernisation de l’hôpital public :
- le rapprochement et la coordination des activités de l’hôpital et des facultés de médecine (enseignement et recherche)
- la mise en place du plein-temps hospitalier
- le recrutement des médecins hospitaliers sur concours national et anonyme.
S’en suivront une série d’ordonnances :
- Ordonnance n° 58-1370 du 30 décembre 1958 portant sur la réforme hospitalo-universitaire
- Ordonnance n° 58-1198 du 11 décembre 1958 portant sur la réforme hospitalière accompagnée de l’ordonnance n° 58- 1201 du même jour qui instaure des organes nationaux ayant pour mission de concevoir et contrôler la mise en œuvre d’une politique hospitalière nationale.
- Ordonnance n° 59-1199 du 13 décembre 1958 relative à la coordination des équipements sanitaires met en œuvre les coordinations des établissements de soins comportant hospitalisation et impose en conséquence une obligation de déclaration préfectorale pour tout établissement de santé privé qui se crée.
À La Médiathèque :
Film documentaire
Pour conclure :
Pour l’avenir, on peut aussi imaginer un hôpital technologique et non seulement ambulatoire, mais aussi décentré, en réseau social, intervenant au domicile du patient… un retour aux sources en quelque sorte…
Patricia D