Retour sur une grande avancée sociale : les congés payés

1 Juil

C’est le début des vacances pour les juillettistes et les aoûtiens ne pensent qu’à cela… Alors, que vous en profitiez déjà ou que vous en rêviez, rien ne vaut un petit saut en arrière pour comprendre une grande idée : la naissance des congés payés !

Le siècle au fil des timbres 1936 : Les congés payés. La Poste, timbre émis en 2000

Si la France est souvent montrée du doigt pour les nombreux jours de congés payés octroyés aux salariés, elle n’a pas toujours été (et n’est toujours pas) la plus généreuse. Elle a même longtemps été en retard par rapport à ses voisins car entre 1900 et 1930, les congés payés sont instaurés dans de nombreux pays : l’Allemagne dès 1905, l’Autriche-Hongrie et les pays scandinaves en 1910, la Tchécoslovaquie, la Pologne, le Luxembourg, au début des années 20, puis la  Grèce, la Roumanie, l’Espagne, le Portugal, le Chili, Mexique et le Brésil dès le début des années 30.

Le droit aux vacances avant 1936

Le mythe des congés payés est né avec le Front populaire, pourtant le principe même des congés payés existait déjà en France au  19ème siècle. Il était le privilège d’une catégorie de salariés, fonctionnaires et employés pour la plupart, qui bénéficiaient déjà de « vacances payées » depuis le début du siècle :

  • les fonctionnaires de l’État bénéficiaient, depuis un décret impérial du 9 novembre 1853 de Napoléon III, de 15 jours de congés payés.
  • en 1900, les salariés du tout jeune métro parisien obtinrent 10 jours de congés payés.
  • en 1905, les salariés des entreprises électriques se virent gratifiés de 10 jours de congés dans l’année (et même 12 à compter de 1907).
  • en 1906, les salariés des usines à gaz rejoignirent les rangs
  • en 1913, les employés de bureau et de commerce obtinrent une semaine
  • après la guerre, le mouvement s’étendit avec la Société des transports en commun de la région parisienne (l’ancêtre de la RATP) qui accorda 21 jours de congés payés à ses salariés.

A cette même époque, beaucoup d’usines fermaient leurs portes en août durant une ou deux semaines, mais les ouvriers n’étaient pas rémunérés en retour. Par principe, le patronat était hostile aux congés payés et les journées de travail étaient alors de 12 heures… En somme, en 1936, les ouvriers représentaient la seule catégorie de salariés à être tenue à l’écart de cet avantage social, même si divers projets de lois avaient été  proposés pour être systématiquement repoussés par le Sénat.

Le tournant Front populaire

1957-1958. Coll. l’OURS

Le 3 mai 1936, le Front populaire gagne les élections et provoque par sa victoire un élan de revendications chez les travailleurs. De très nombreuses grèves et occupations pacifiques des usines entraînent plus de deux millions de travailleurs dans une lutte pour de meilleures conditions de travail et l’ouverture de négociations avec le patronat. La France est paralysée et, sous la pression du nouveau gouvernement, des discussions s’engagent enfin. C’est à l’occasion des grèves de mai-juin 1936 que la revendication des congés payés voit le jour.

C’est finalement dans la nuit du 7 au 8 juin, à l’Hôtel Matignon à Paris, que sont officiellement signés les accords dits de Matignon, entre le président du Conseil, Léon Blum, la Confédération générale du patronat français (CGPF) et la Confédération générale du travail. Ce texte est voté le 11 juin par la Chambre des députés et le 17 par le Sénat. Il est promulgué le 20 juin. Dès lors, un congé payé de quinze jours, dont 12 ouvrables, est institué pour tout salarié ayant accompli un an de services continus dans l’entreprise. Ceux qui n’ont que six mois d’ancienneté ne bénéficient que d’une semaine, dont six jours ouvrables.

Ces accords prévoient par ailleurs :

  • la généralisation des conventions collectives
  • la création des délégués du personnel et reconnaissance du droit syndical
  • une augmentation de 7 à 12% des salaires
  • et, ce qui marque l’esprit des Français, c’est l’instauration de la semaine de 40 heures et l’octroi de congés payés fixés à quinze jours.

Les congés payés obligatoires n’ont cessé de s’allonger par l’action syndicale. Ils passeront à trois semaines en 1956, à quatre en 1969 et à cinq semaines en 1982.

Ils permettront surtout aux Français de partir en vacances, et ce dès l’été 1936, comme le révèlent de nombreux témoignages et de belles photos. C’est le début des « grandes vacances » et des loisirs qui prendront toute leur ampleur après la Seconde Guerre mondiale, au cours des années cinquante et surtout soixante.

Viendront ensuite les 35h et les ARTT, mais ça c’est une autre histoire !

Carte postale de la station balnéaire de Cayeux-sur-Mer dans la Somme oblitérée du 6 août 1936 ©collection Laurent Albaret DR.

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